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Journal d'un végétarien
14 juin 2010

De la distinction au mépris

L’homme a toujours revendiqué certains sentiments « élevés » pour se distinguer des autres animaux. Il serait le seul à éprouver des émotions nobles, tels la compassion, l’amour véritable, l’altruisme, la pitié, la mansuétude, le respect, l’honneur, la modestie. D’un autre coté, l’animal est souvent gratifié de prétendues émotions négatives ou « inférieures » : la cruauté, l’orgueil, la gloutonnerie, la fureur, la vanité, la haine. Il s’agirait en fait de refuser toute atteinte à la conception de l’homme comme être unique, à sa prétention à avoir une vie émotionnelle particulièrement noble. Ainsi, pour renforcer les barrières entre es espèces, non seulement nous nous interrogeons sur l’existence des sentiments chez l’animal, mais nous mettons en cause leur nature. Qu’y a-t-il donc derrière cette mentalité du « nous/eux » - derrière ce besoin pressant de nous définir en prouvant notre différence et plus encore notre différence fondamentale, y compris en matières d’émotions ? Pourquoi cette distinction a-t-elle une telle importance.

Un début de réponse nous est fourni à l’examen des distinctions que nous établissons entre nous. Depuis longtemps, les groupes humains dominants déterminent leur supériorité en se distinguant des groupes qu’ils subordonnent. Ainsi les Blancs définissent-ils en parties les Noirs selon le taux de mélatonine de la peau. Ainsi les hommes se distinguent-ils des femmes par des caractères sexuels primaires et secondaires. Par le biais de ces distinctions empiriques, on fait en sorte que ce soient les distinctions elles-mêmes, et non leurs conséquences sociales, qui endossent la responsabilité de la domination sociale d’un groupe sur un autre. La distinction entre l’homme et la bête a donc permis la domination du premier. Si les humains se disent distincts des animaux, ou semblables à eux quand cela les arrange ou les amuse, c’est dans le but de maintenir leur domination. On peut penser qu’ils trouvent leur compte à traiter les animaux comme ils le font – à les blesser, les enfermer, exploiter leur travail, se nourrir de leur chair, les regarder et même en posséder certains comme signe de leur statut social. Aucun être humain libre de son choix ne voudrait être traité de la sorte.

Jeffrey Moussaief Masson et Susan McCarthy, Quand les éléphants pleurent – La Vie Emotionnelle des Animaux,  pp. 55-56, 1997 © Albin Michel

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